Denise, 91 ans, prenait le bus tous les jours. Le 6 décembre, les portes du C3 se sont refermées sur elle. En perdant l’équilibre, elle s’est cognée le crâne. Sa famille attaque les TCL
« Votre maman avait le pied sur la marche du bus mais les portes se sont refermées sur elle ». Ce témoignage écrit, Dominique, une élégante femme brune, le conserve précieusement dans un dossier rouge. Celui-là et tous les autres qu’elle a reçu après son appel à témoins placardé sur la ligne du C3. Elle feuillette avec émotion ces pages qui racontent la chute mortelle de sa mère, pleine de gratitude à l’égard de ceux qui ont pris le temps de raconter ce qu’ils ont vu le 6 décembre à 17 h 30.
Une petite dame blonde, sa mère, coiffée d’un chapeau et enveloppée dans un manteau, attend patiemment à l’arrêt de bus Cordeliers-Bourse (Lyon 2 e). Cet arrêt, elle y a ses habitudes. Chaque après-midi, depuis plus de vingt ans, Denise suit des cours à la faculté catholique de Lyon. A 91 ans, veuve d’un peintre lyonnais, elle se passionne toujours pour la philosophie, l’histoire des religions ou l’économie. Malgré sa canne, elle descend de la Croix-Rousse où elle habite, puis emprunte différents bus pour rejoindre la place Bellecour. « Le C3 était stationné assez loin du trottoir et la passerelle prévue pour les personnes à mobilité réduite n’était pas déployée », affirme une jeune fille présente à l’arrêt de bus. Tous les témoignages concordent : alors que Denise montait sur le marchepied, les portes se sont refermées sur elle. Elle a alors basculé en arrière et sa tête a heurté violemment le trottoir. Nous sommes en pleine fête des Lumières et le bus est bondé. Les personnes assistant à la scène, se précipitent pour secourir la vieille dame et la réconforter. Elle saigne beaucoup et s’excuse presque de causer autant de dérangement. Tandis qu’on l’aide à traverser la rue pour rejoindre la pharmacie voisine, des passagers alertent le chauffeur pour qu’il rouvre les portes. Mais le C3 repart.
« Nous avons frappé sur les flancs du bus pour qu’il s’arrête », écrit l’une. « Il a redémarré et le chauffeur n’est même pas intervenu », se révolte une autre. Avec toutes ces pièces en main, la fille de Denise a décidé d’agir car sa mère est décédée le 14 décembre, après une hémorragie cérébrale. Inconsolable depuis, elle a décidé de ne pas passer sous silence cet accident.
« Ma mère était un ange de douceur et de gentillesse. On me l’a volée, quelques jours avant Noël. Elle aurait vécu jusqu’à 100 ans, comme ma grand-mère, si elle n’avait chuté. Cela aurait pu arriver à une autre personne ou à un enfant. Pourquoi n’y a-t-il pas un système empêchant la fermeture des portes ? » Le 18 mars, son avocat, M e Costa a assigné les TCL au tribunal, estimant que la « conjonction des fautes commises a provoqué la chute qui a conduit au décès ».
Annie Demontfaucon
http://www.leprogres.fr/rhone/2011/04/2 ... ans-le-bus