Je suis assez surpris de lire les derniers posts d'Airbus... qui nous avait habitué à plus de recul et d'expertise jusque là. Ça doit être un effet de la canicule, je pense.
Il faut vraiment que tout le monde arrête de penser que l'épisode covid passé, tout recommence comme avant, et youpi le bon fonctionnement et le p'tit personnel disponible sur simple demande.
C'est mort, terminé, sur le plan économique, mais également sur le plan des relations sociales obsolètes entre acteurs économiques, décideurs, et les p'tits bras indispensables pour faire tourner la mécanique.
Çà ne marche plus et les p'tits bras sont de moins en moins disponibles pour le n'importe quoi à n'importe quel prix.
Ça ne fait plus "envie"
C'est pénible de faire le constat, mais il est gravissime de voir que pas un seul segment, pas un seul des rouages et des composants de la société n'est épargné par ce qu'il faut appeler une crise majeure ; le constat est dans l'axe, il est réel, sans se voiler la face ni se la raconter en convoquant le passé : à force de tirer tout le monde vers le bas, à coup de management guerrier, de foutage deugue généralisé, d'absence de toute considération pour les soutiers, le p'tit personnel et tout ceux qui ont la capacité de savoir dans quel sens on tient un tournevis ou une truelle, vient le retour de flamme.
Et ce qu'on voit maintenant, ce n'est plus un retour de flamme. La torchère de Feyzin, c'est littéralement le briquet jetable à coté...
Et le pire : c'est que ce n'est désormais plus un unique problème de paye à mettre en face du profil de poste.
C'est trop tard !
A force de, depuis 50 ans à minima, et dans tous les secteurs (hospitalier, transport, restauration, production du bâti, etc.) :
. pressurer et tirer tout le monde vers le bas
. "faire des économies" avec toutes les mauvaises manières possible pour optimiser les postes de dépenses (en particulier les "charges" de personnel)
. mettre des contraintes démentielles sur l'organisation et les horaires
. oublier de faire le nécessaire dès la formation et donc les premières années scolaires jusqu'aux diplômes, quels que soient leur niveau
. dévaloriser toute idée de travail "manuel" avec compétence techniques en survalorisant les postes et professions intellectuelles ou tertiaire, en donnant aux comptables un pouvoir décisionnaire exorbitant qui se paye cash
. oublier de protéger (des mauvaises ambiances et conditions de travail, incluant le contexte dans lequel il sont obligés d'exercer) les soutiers en échange de leur dévouement / production / effort "parce que ça coûte"
. mettre en balance des bras "locaux" avec des travailleurs sous d'autres régimes juridiques et sociaux (une forme de chantage...)
. etc...
le tout en ayant l'indécence inconsciente ou assumée (souvent par des individualités hiérarchiquement à peine au dessus) de prendre ces petites mains /soutiers pour des entités malodorantes, comme de simples variables d'ajustement, sans aucun retour en matière de considération, c'est non seulement stupide, mais c'est mettre en légitimité des outils pour se faire taper dessus quand le gâteau coince la cerise dans le couvercle de la boîte.
Les temps changent depuis la séquence covid. Les gens, surtout ceux qu’on a envoyé en première ligne, ont eu le temps, contraints et forcés, de regarder leur vie, et d'analyser les points à problèmes... de se réveiller. Et leur faire reprendre des fonctionnements pathogènes pour eux mêmes n'est plus un principe définitivement acquis. Les pros qui s'en sortent et ont du personnel, sont ceux qui ont une considération pour leur collaborateurs et pas seulement un chéquier plus généreux que les oursins.
Ce que j'entends à droite à gauche en matière de transport collectif, c'est qu'espérer un statu quo par rapport quelques années en arrière sera déjà un exploit en terme d'offre et de personnel. On est dans la cata pure et simple pour cette rentrée 2022, il suffit de se tenir au courant de toute la presse spécialisée et d'ouvrir les yeux et les oreilles.
Inutile de dire que ce que je comprends de la situation est certes angoissant ; pour imager on roule sur la réserve, mais il reste du coco au fond du réservoir pour rallier la station service sous quelques kilomètres seulement.
En revanche, dans le secteur du bâtiment, on entend directement le bruit du siphon au fond du réservoir.
Il n'y a plus de personnel compétent ou acceptable pour faire le taf, et c'est ni une blague, ni du référentiel de [s]boomers[/s] vieux con.
Principe stupide, cadeau des boomers irréfléchis, les vrais, ceux qui étaient à la manoeuvre et qui n'ont pas su ou voulu anticiper, et y consacrer les moyens nécessaires au lieu de faire du cash immédiat :
Il y a 50 ans, on a aiguillé des milliers de gamins vers "le bâtiment" quand franchement, leur niveau n'y était pas, et qu'à part ça, rien (et les bacs scientifiques et mathématique ont été survalorisés). Des gamins qui sont majoritairement arrivés dans le milieu pro contraints, pas de leur choix, avec une envie nulle.
Les gens en activité à cette période les ont accueillis plus ou moins bien, puis ont essayé de leur transmettre leur savoir pro ; mais comment faire quand le récepteur n'a pas tous les équipements de décodage et de mise en mémoire ? Ben il y a de la perte en ligne.
Les "anciens" sont partis en retraite, avec le glissement des générations. Ces gamins avec l'envie pas terrible sont devenus les anciens, avec graduellement un moins bon savoir faire, et ont essayé d'accueillir les gamins suivants, mais pas avec les mêmes dispositions, ni l’envie, ni les mêmes moyens de transmission d'un savoir raboté. Difficile de parler de fierté du travail fait dans ce contexte...
La conséquence : la désaffection et la disparition significative de la compétence, dans le timing prophétisé par quelques responsables des fédérations de bâtiments et organismes pro dont la voix a été soigneusement masquée, ou pire, moquée à l'époque.
Et donc en moins de quelques années, un déficit terrible de bras compétents ! Electriciens, menuisiers, maçons, peintres, carreleurs, parquetteurs, paysagistes, beaucoup d'offres d'emploi aux prix revus à la hausse dans des proportions inédites, mais qui ne trouvent pas preneur. Plus préoccupant : les bons éléments se mettent à leur compte, mais restent isolés sans pouvoir embaucher eux aussi, et ne peuvent plus assurer correctement en volume autre chose que des petits chantiers...
Le secteur du bâtiment n'est pas le seul et loin de là à se prendre le mur de l'embauche actuellement, et rien ne pourra à priori atténuer ou compenser les bras qui font défaut, ceux disponibles étant désormais en position de choix...