La taille d'Amazon n'excuse pas tout.
Avec une toute petite variante d'échelle, nous assistons à une réédition de l'arrivée des grandes surfaces face aux "petits commerces traditionnels" fin des années 60 et leur graduelle prise de contrôle de l'approvisionnement de l'alimentaire comme de l'ensemble des autres secteurs de vente...
Les arguments que tu présentes sont effectivement logiques, mais ressemblent en tous point aux critiques habilement diffusées par la grande distribution à cette époque pas si lointaine, et qui ont largement imprimé les cervelles de millions de gens lambda, coeur de leur clientèle.
Comme tu le résumes, c'est exactement la stratégie basée sur cette même argumentation que Carrefour, Casino, puis les outsiders venus par la suite (RALLY, MAMMOUTH, AUCHAN, etc.) qui a "dézingué" (avec l'adhésion totale de la clientèle) ces "sangsues / profiteurs / racketteurs de petits commerçants indépendants"

... conjugué en première cause avec la transformation de la société via l'automobile et sa facilité à permettre l'organisation des courses "en une fois" le samedi, au lieu de multiples trajets sur la semaine.
Dans un premier temps, les prix étaient imbattables : une logique de masse, un poids des centrales d'achat de plus en plus écrasant sur les fournisseurs, et puis graduellement, la vraie nature de ce système commercial est venue à la lumière : une baisse de la variété de l'offre (déjà contenue strictement au départ), des gammes de produits de plus en plus étriquées et de qualité ... discutable pour maximiser les profits, une délocalisation progressive de la fabrication des produits mis en rayons,un impact écologique et social de plus en plus lourd, entre autres.
Cette évolution arrive à une situation de rupture après une période euphorique, calculée et gérée au millimètre devenue possible après le laminage de l'armature des tissus commerciaux des centres villes : des prix de plus en plus élevés facturés aux clients, des pratiques discutables (sur le plan moral à défaut du plan légal) sur le dos des fournisseurs, une quasi similitude de prix aux pouillèmes près entre enseignes, etc. qui se concrétise par une chute des chiffres de fréquentation des hypers et supermarchés, parallèlement à l'envolée du commerce via internet (commande, livraison à domicile ou drive, etc.) qui se présente sous des dehors engageant, moins cher, moins fatigant que d'aller arpenter des allées bondées de clampins et de pégus. Et en plus, arrive un genre de truc chelou sous une casquette de wesh, covidmachin...
Alors oui, Amazon fait son bizness sur les abus bien identifiés et documentés. Mais le modèle proposé et surtout son fonctionnement reproduit les mêmes effets connexes détestables ; il n'est pas certain que le choix de la facilité et du confort soit pertinent pour un avenir équillibré
Parce que c'est une réelle facilité - pour l'instant - de passer par ses services, mais on est dans une logique à très haut risque potentiel de monopole (style choix binaire "vendez sur Amazon ou ne vendez pas du tout" pour une grande partie des produits vendus dans les segments intermédiaires en terme de quantité, pas ceux qui relèvent des produits de base...)
Perso ce qui m'a très profondément choqué et continue de le faire dans le système Amazon,compte tenu des infos dispos, c'est :
> le principe du gigantisme assumé des infrastructures au détriment d'une diffusion sur un territoire et au profit d'une standardisation et d'une concentration de la fabrication (puisque de toutes façons, les produits ont un fabricant et un acheteur qu'il convient de relier ; donc le trajet peut prendre des formes diverses, il fera du chemin quoi qu'il arrive)
> la culture de l'opacité et de l'approche masquée et quasi sournoise dans la recherche des terrains, les acquisitions, et les stratégies développées autour des implantations de centres logistique (mais qu'y a t-il donc à cacher ? faut assumer, à un moment)
> l'info (que je cherche à vérifier) rapportant que les produits invendus sont détruits par Amazon, et cette destruction serait imposée et facturée aux vendeurs desdits produits sans qu'ils puissent les récupérer
> les conditions de travail qui sont, selon les infos disponibles partout à ce jour totalement deshumanisantes et donc à ce titre discutables. (Ouioui,il y a pire ailleurs, avec des mômes battus et affamés au fond des mines inondées dans certains pays du tiers monde, etc... Et ? on est à une époque disposant de moyens permettant d'envisager plus grand, plus généreux, plus humaniste, avec bienveillance et fermeté mais sans mièvrerie)
Et pour ces raisons, il y a très certainement un risque encore plus prégnant sur l'ensemble des incidences sociales et économiques, comme sur l'aménagement du territoire, qu'avec les grandes surfaces (qui sont à mon sens en situation critique). Et le grand perdant sera le centre ville des agglos dont le tissu économique se retrouve de fait face à non plus un, mais deux ennemis mortels...
Dernier terme de l'équation : le circuit court ne peut pas faire de prestation en terme de quantités au dela d'un rayon réduit, et ne répond pas aux besoins en produits manufacturés ... Alors on fait quoi ? On admet que c'est irrésistible et on abandonne l'idée de garder un contrôle à notre niveau ?

Edit : j'oubliais un truc : au final, Amazon représente une illustration de l'effet de gigantisme,de concentration, etc... et au bout du cheminement, il se passe quoi ? Ou sera le contrôle si ce mastodonte échappe au contrôle ?
Dans la course au gigantisme, et à la fin du processus, le regroupement de sociétés et structures industrielles, par rachats, absorption, fusion-acquisition, restructurations et élagages divers donne parfois des résultats épastrouillants, très loin des plaquettes publicitaires vantant le truc.
On nous a vendu la libre concurrence, toussa, et puis on découvre par exemple aujourd'hui, qu'une fois rachetée, une entreprise ne représente plus une possibilité de concurrence libre et non faussée. Ca ne vous évoque rien ? On en parle, d'Alstom et du feuilleton Bombardier/CAF ? Troublant, à priori... C'est quoi l'autre choix ? La concurrence chinoise ou coréenne qui produit désormais des matériels pas si mal fichus que ça ?