lemonde.fr, 21 mai
[align=center]Le gouvernement veut une enquête interne après le couac des TER[/align]
Les révélations du Canard enchaîné sur des travaux engagés dans plusieurs centaines de gares de trains express régionaux (TER) pour permettre d'élargir les quais après une commande de rames de 20 centimètres trop larges ont rythmé la journée de mercredi 21 mai.
Alors que le président de Réseau ferré de France (RFF), Jacques Rapoport, a démenti toute « boulette », tout en reconnaissant un problème découvert « un peu tardivement », le gouvernement a demandé l'ouverture d'une enquête interne chez RFF et à la SNCF.
Et a enchaîné les commentaires acerbes : qualifiée de « rocambolesque » par le ministre des transports, Frédéric Cuvillier, l'affaire a été jugée « consternante » par Ségolène Royal, ministre de l'écologie, qui a exigé que les dirigeants de la SNCF et de RFF « fassent toute la clarté sur les raisons pour lesquelles des décisions aussi stupides ont été prises ».
La rapporteuse générale du budget à l'Assemblée, Valérie Rabault, a été plus loin en estimant que le président de la SNCF, Guillaume Pepy, « devait démissionner ». « 50 millions d'euros, c'est beaucoup d'argent et on est la risée de la presse internationale », a-t-elle déclaré dans les couloirs de l'Assemblée.
UNE HISTOIRE QUI DATE DE 2009
L'histoire remonte à 2009, quand les conseils régionaux lancent avec la SNCF un vaste plan de renouvellement de leur flotte de trains. Trois ans plus tard, c'est la douche froide. Alors que les prototypes sont en test, les élus ont la surprise d'apprendre que le nouveau matériel ne pourra pas entrer dans certaines gares.
Plus larges de 20 cm — un standard international qui rend plus confortables ces trains — les nouveaux trains express régionaux Regiolis, développés par Alstom, et Regio 2N, conçus par Bombardier, ont respecté les spécifications données par la SNCF. Cependant, cette dernière n'avait pas en sa possession les cotes exactes de l'ensemble des quais français.
« AUCUN IMPACT » SUR LE PRIX DES BILLETS
Pour M. Rapoport, les travaux conséquents à cette bourde sont chiffrés à « 50 millions d'euros », et constituent une « dépense utile et indispensable sous peine d'avoir des trains plus petits et donc moins confortables pour les usagers ».
Quoi qu'il en soit, le président de RFF assure que cette dépense n'aura « aucun impact » sur le prix des billets qui est, lui, fixé par la SNCF. Selon M. Rapoport, ces dépenses d'adaptation des quais seront couvertes grâce aux recettes supplémentaires générées par l'augmentation du trafic ferroviaire.
Répondant aux inquiétudes de l'Association des régions de France, il assure que celles-ci, qui subventionnent largement les trains express régionaux, paieront « dans le cadre normal » de leur participation.
« ON EST LA RISÉE DE LA PRESSE INTERNATIONALE »
La commission du développement durable de l'Assemblée nationale a par ailleurs annoncé qu'elle allait auditionner les présidents des deux organismes. Cette audition commune, qui aura lieu « dans les plus brefs délais », devrait permettre de déterminer les responsabilités des deux sociétés dans la commande des deux mille TER trop larges.
L'affaire survient un mois avant l'examen à l'Assemblée du projet de loi sur la réforme ferroviaire, qui prévoit que la SNCF et RFF restent deux groupes publics indépendants, qui verraient leurs périmètres respectifs évoluer, mais chapeautés par une même entité.
Le gouvernement pourrait utiliser cet incident comme prétexte pour accélérer le rapprochement de la SNCF, qui gère le matériel et les gares et fait rouler les trains, et RFF, qui gère l'infrastructure ferroviaire et les quais. Une option que pourrait également soutenir l'opposition, le président de l'UMP, Jean-François Copé, estimant que l'affaire est « kafkaïenne » et qu'elle est « d'abord de la responsabilité de la SNCF et de Réseaux de France ».
De leur côté, les syndicats ont profité de l'occasion pour réitérer leur hostilité au projet actuel de réforme ferroviaire. Pour la CGT, « cette histoire pourrait relever du vaudeville si elle n'était la conséquence de la séparation entre la SNCF et RFF de 1997 ». « Les dysfonctionnements se sont multipliés ces dernières années avec des conséquences plus ou moins graves pour les usagers du rail et la population », affirme le syndicat, pour qui « une nouvelle réforme du système ferroviaire est nécessaire ».
Source
http://www.lemonde.fr/economie/article/ ... _3234.htmlLe Monde, 22 mai
[align=center]Couac des trains régionaux : comment on en est arrivé là[/align]
C'est une histoire « rocambolesque », pour reprendre les termes de Frédéric Cuvillier, le secrétaire d'Etat aux transports. En 2009, les conseils régionaux lancent avec la SNCF un vaste plan de renouvellement de leur flotte de trains. Trois ans plus tard, c'est la douche froide. Alors que les prototypes sont en test, les élus ont la surprise d'apprendre que le nouveau matériel ne pourra pas entrer dans certaines gares, révèle dans son édition du 21 mai Le Canard enchaîné. Pis, dans certaines zones, deux trains auraient dû mal à se croiser…
Plus larges de 20 cm – un standard international qui rend plus confortable ces trains – les nouveaux TER Regiolis, développés par Alstom, Regio 2N, conçu par Bombardier, ont respecté les spécifications données par la SNCF. Cependant, cette dernière n'avait pas en sa possession les cotes exactes de l'ensemble des quais français.
UNE CAMPAGNE DE RABOTAGE DES QUAIS LANCÉE EN 2013
Réseau ferré de France (RFF), société séparée de l'entreprise nationale depuis 1997, et en charge entre autres, des quais, ne connaissait en effet pas les mesures de l'ensemble des 8700 quais du territoire. Pour résoudre le problème, RFF a lancé une campagne de mesure de l'ensemble des quais, en 2013, et engagé d'importants travaux afin de raboter 1300 quais. Des aménagements estimés à 50 millions d'euros par RFF et pris sur l'enveloppe de 4 milliards d'euros consacrée à la modernisation du réseau ferroviaire hexagonal.
« Longtemps, RFF et la SNCF, qui se regardaient en chien de faïence, se sont refilés la patate chaude, explique un observateur du système. Aucune des deux entreprises ne voulait assumer une telle erreur et, surtout, aller la révéler aux élus régionaux. Pis, les deux groupes voulaient que les régions financent également ces travaux. »
Si les relations entre RFF et la SNCF ont longtemps été glaciales, celles entre la SNCF et les régions ne sont guère meilleures. Les élus locaux reprochent à l'entreprise nationale ses tarifs prohibitifs. Cette affaire n'a pas d'ailleurs pas vraiment réchauffé leurs relations.
« LES RÉGIONS NE SONT PAS DES PIGEONS ! »
Comme le rappelait Alain Rousset, le président du conseil régional d'Aquitaine et de l'Association des régions de France (ARF), encore mardi soir, « nous refusons de verser un seul centime sur cette réparation. On ne va pas, quand même, être à la fois pigeon et financeurs. Les régions ne sont pas des pigeons ! »
Pour l'ARF, cette affaire justifie pleinement la demande des régions d'acheter directement leurs trains. Aujourd'hui, si elles financent et sont propriétaires de leurs rames, c'est bien la SNCF qui a la charge des acquisitions de nouveau matériel.
Dans les deux entreprises publiques, qui seront bientôt réunies dans un même groupe grâce à la réforme ferroviaire examinée au Parlement en juin, on fait amende honorable. « Il y a eu un couac sur cette affaire, y reconnaît-on. Cependant, il n'y a aucune conséquence sur le déploiement des Regiolis et des Regio 2N. Le calendrier des travaux, organisé depuis fin 2013, correspond au calendrier de livraison des nouvelles rames dans les régions : 300 quais ont déjà été traités à ce jour, 600 le seront à la fin 2014. » Et 1300 à l'horizon 2016.
DES MODIFICATIONS DE STRUCTURES DÉJÀ ENGAGÉES AVEC LE TGV
Dans cette affaire, RFF et SNCF sont bien aidées par les difficultés d'Alstom et Bombardier à respecter les délais de livraison des nouveaux trains ; cela leur a laissé un peu de temps pour adapter les quais. Au départ, les TER étaient promis pour mars 2013, mais n'arrivent au compte-gouttes que maintenant. De plus, si la SNCF, les régions et les deux constructeurs ont signé un accord-cadre pour l'achat de plus de 1 800 rames (15 milliards d'euros prix catalogue), seuls 182 Regiolis et 159 Regio2N ont été commandés de manière ferme.
Enfin, à la décharge de la SNCF et de RFF, engager des modifications des infrastructures, souvent vieilles de plus de cinquante ans, à l'arrivée de nouveaux matériels n'a rien d'exceptionnel. L'arrivée du TGV dans une gare entraîne généralement la réfection des quais. De même, le déploiement du Transilien, en Ile-de-France, un équipement à plancher bas, plus facile d'accès, a nécessité l'abaissement des quais de nombreuses gares de la région capitale.
Source
http://www.lemonde.fr/economie/article/ ... _3234.html