La réouverture de la rive droite du Rhône aux voyageurs entre Valence, Avignon et Nîmes est abandonnée par les Régions Rhône-Alpes, PACA, Languedoc-Roussillon et les départements de l'Ardèche, de la Drôme, du Gard et du Vaucluse.L'annonce a été faite par la Région Rhône-Alpes mercredi 2 juillet lors d'un comité de ligne spécial au Pouzin.
Rappelons que les dernières circulations voyageurs régulières sur la rive droite du Rhône remontent à 1973.
En 2006, suite au débat public sur les transports dans la vallée du Rhône, dans lequel certains défendaient la mise à 2 fois 5 voies de l'A7, les 3 Régions s'étaient accordées une forte amélioration des transports publics dans le sud de la vallée du Rhône et avaient lancé une étude d’opportunité. Début 2008, l’État, les 3 Régions et les 4 Départements avaient signé un protocole d'intention sur la réouverture aux voyageurs de la rive droite entre Valence et Nîmes.
2 ans plus tard, les collectivités et l’État s'étaient mis d'accord pour engager des études d'avant projet sur une desserte omnibus Romans - Nîmes avec rebroussement à Avignon centre avec 7 AR par jour (3 le matin, 1 le midi et 3 le soir), soit un seuil compatible avec le PPRT de l'usine Sanofi d'Aramon.
Entre Romans (34'500 habitants) et Nîmes (148'200), les trains devaient desservir Valence TGV, Valence ville (64'900), Livron (9'000), Le Pouzin (2'900), Cruas (2'900), Le Teil (8'400), Viviers (4'000), Bourg-Saint-Andéol (7'400), Pont-Saint-Esprit (10'900), Bagnols/Cèze (18'800), L'Ardoise (6'000), Roquemaure (5'500), Villeneuve-lès-Avignon (12'800), Avignon centre (92'100), Aramon (3'900), Remoulins (2'400) et Marguerittes (8'800).
Le potentiel de trafic était évalué à environ 170 voyageurs par trajet soit environ 2'500 voyages par jour. Les flux majoritaires se concentraient selon l'étude de Systra sur Avignon centre avec 652 voyages par jour, suivi par Valence ville (536), Bagnols (466) et Nîmes (465). Côte Rhône-Alpes, l'ajout de 7 AR pouvaient entraîner près de 300 voyages supplémentaires à Livron et plus de 250 à Romans. En Ardèche, le potentiel de la réouverture a été estimé par Systra à environ 650 voyages journaliers (82 au Pouzin, 129 à Cruas, 215 au Teil, 91 à Viviers et 121 à Bourg-Saint-Andéol), ce qui équivalent à la ligne Saint-Claude - Bourg-en-Bresse (qui n'a que 3 AR ferrovaire par jour) et supérieur aux lignes Gap - Grenoble (6 AR ferroviaires par jour) et Valence - Luc-en-Diois (4 AR ferrovaires par jour), mais très inférieur à toutes les autres lignes du TER Rhône-Alpes.
Systra avait envisagé de phaser la réouverture, avec d'abord Avignon - Romans, puis Avignon - Nîmes après l'ouverture du CNM (le contournement Nîmes - Montpellier) prévu en 2017.
La réouverture impliquait des travaux sur l'infrastructure de RFF évalués à
19M€ :
- les aménagements des quais (sur 160m), des traversées de voies et la mise en accessibilité PMR : pour plus de 10M€.
- la reprise de la signalisation et des plans de voies
- l'amélioration des IFTE (l'alimentation électrique).
Initialement, il avait été retenu des passages dénivelés pour les voyageurs uniquement pour Aramon, l'Ardoise, Roquemaure et Bagnols. Or en cas de réouverture de ligne, le référentiel désormais en vigueur impose un passage dénivelé dans chaque gare rouverte. Sur la base d'une passerelle à 1,5M€ l'unité, on arrive à presque 20M€ à dépenser rien que pour traiter la problématique des traversées des voies. Ainsi RFF chiffre à environ 3M€ le coût de la réouverture d'une gare (quais + passerelle).
Par ailleurs les études conduites ont montré que la ligne était inadaptée à la circulation des AGC. En effet, la rayon de courbure de la bifurcation de La Voulte est de 148m, alors que
les caractéristiques techniques des AGC interdisent de circuler sur une courbe dont le rayon est inférieur à 150m. Il est donc nécessaire de recourir à un autre type de matériel ou d'obtenir une dérogation. Ce point est particulièrement surprenant puisque la bifurcation de La Voulte est déjà sans doute empruntée par des B81500 lors de détournement en cas d'interception de la rive gauche.
Pour RFF le coût des travaux pour la réouverture n'est plus de 19M€, mais de 49,4M€ (pour une ligne déjà ouverture au fret et sans le moindre RVB) !
Le coût de la réouverture pourrait carrément devenir démentiel en cas de suppression des 40 PN.
Le cas de 4 PN classés préoccupants pourrait imposer leur suppression (soit au moins 5M€ de travaux supplémentaires par PN au minimum).
La réouverture implique également quelques travaux sur les bâtiments voyageurs et les abords des gares, ce qui nécessite une enveloppe de près de
8M€.
Pour assurer la nouvelle desserte entre Romans et Nîmes par la rive droite, il faudra acquérir du matériel roulant. L'étude estime nécessaire
l'acquisition de 10 rames pour environ 50M€. Ces 10 rames n'assureraient que 14 trajets par jour, soit une productivité particulièrement faible pour un
coût d'exploitation fort important estimé à 17M€ par an et des recettes couvrant seulement 10% de ce coût.
Face à l'importance des investissements nécessaires à la réouverture aux voyageurs (plus de 107M€) et aux coûts d'exploitation très élevés, les 3 Régions et les 4 Départements ont fait le choix le 5 mai 2014 de ne pas poursuivre les études et donc d'abandonner le projet de réouverture aux voyageurs de la rive droite du Rhône au sud de Valence. Ce renoncement est resté secret jusqu'à la réunion organisée par Rhône-Alpes le 2 juillet au Pouzin. Les prochains CPER des 3 Régions ne comporteront donc rien pour la rive droite du Rhône. Les habitants de l'Ardèche et du Gard rhodanien resteront donc privés de TER et continueront à voir passer sous leurs fenêtres un trafic fret relativement limité.
Apparemment aucun plan B n'est prévu. Les conditions de transport ne sont donc pas près de s'améliorer dans le sud de la Vallée du Rhône. En préalable à ce comité de ligne spécial, la Région Rhône-Alpes avait pris une position tranchée sur un refus de tout développement de l'offre ferroviaire en rive gauche du Rhône entre Valence et Avignon.
La présentation de la Région Rhône-Alpes est téléchargeable ici
http://www.rhonealpes.fr/uploads/Extern ... 378199.pdfPrésente au Pouzin, la sénatrice PS de l'Isère et vice-présidente de Rhône-Alpes aux transports,
Éliane Giraud a déclaré que « Rhône-Alpes s’implique dans la question des transports collectifs. Pour preuve, elle a doté l’Ardèche de cars TER et d’une enveloppe pour entretenir les routes du département en vue de leur circulation. » Mais concernant la réouverture de la rive droite aux trains de voyageurs : « Les solutions qui ont existé ne seront pas forcément celles de demain. Nous ne fermons pas la porte à la réouverture. Mais il faut prendre en compte la question du coût des transports et de la dette de RFF. » Elle plaide donc pour le
statu quo, c'est-à-dire,
l'Ardèche seul département métropolitain sans desserte ferroviaire TER.
Le président PCF du comité de ligne Ardèche Sud affirme que le projet reste envisageable. François Jacquart a déclaré : « Si le projet avait été abandonné, j’aurais renoncé à mes fonctions. Même si la question du financement reste entière, le dossier n’est pas refermé. J’appelle à ce que l’État assume ses responsabilités en matière d’équité du territoire, et s’engage aux côtés des collectivités. »
L'article paru dans
Le Dauphiné Libéré le 4 juillet
http://www.ledauphine.com/actualite/201 ... r-du-train. A noter que cette information n'a pas pas fait la une des éditions du Sud Ardèche du quotidien régional.
Sans réelle volonté politique et sans moyen pour financer le report modal, la réouverture aux voyageurs de la ligne droite ne se fera pas. En attendant une réorientation des politiques publiques de transport en France, on peut tout de même pointer certaines incohérences du dossier ou les effets contre-productifs de certaines mesures prises à Paris, sans évaluation des conséquences sur le terrain :
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une desserte incohérente. Avec le positionnement retenu des 7AR, le matériel roulant acquis aurait été inutilisé l'essentiel du temps. Le projet ne prévoyait qu'un seul train par heure lors des pointes de trafic, un seuil insuffisant pour engager un report modal massif sur la section au potentiel le plus élevé (la liaison entre le nord du Gard et Avignon).
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un potentiel de déplacement trop limité. L'absence d'intermodalité et la fréquence basse ne génère qu'un flux de voyageurs limité à une clientèle captive. De plus une part significative des 2500 voyages quotidiens viendraient uniquement du renforcement des dessertes entre Romans et Livron.
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le lien avec le CNM. Les promoteurs du CNM indiquent que cela permettra de libérer des sillons en gare de Nîmes et de rouvrir la rive droite entre Nîmes et Avignon. A l'ouverture du CNM, le nombre de sillons libéré à Nîmes pourrait bien être inférieur aux 14 sillons nécessaires à la desserte Nîmes - Romans.
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la règlementation sur les réouvertures de ligne aux voyageurs. Les contraintes (suppression de PN, passerelles) sont telles qu'elles plombent financièrement tous les projets de réouverture.
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l'implication quasi inexistante des communes concernées par la réouverture. C'était un projet porté par les Régions et non par les localités qui auraient dû en bénéficier.
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des charges d'exploitation trop importantes. Ce point n'a pas été vraiment approfondi. L'exploitation à agent seul pourrait rendre cela moins coûteux pour la collectivité. L'exploitation de la réouverture aux voyageurs entre Romans et Nîmes pourrait faire l'objet d'une DSP, afin de mettre en concurrence l'opérateur historique.