Le défaut du métro sur pneus à la lyonnaise, c'est que les investissements nécessaires le cantonnent au centre-ville. Dès qu'on s'en éloigne, les coûts sont disproportionnés par rapport aux usages.
Or les évolutions territoriales et comportementales sont flagrantes :
- les déplacements domicile - travail longue distance sont un phénomène minoritaire... mais qui s’accroît. En effet, en même temps que le centre se densifie, les périphéries s'étalent (autrement dit, contrairement à ce qu'on avait espéré, la densification des centres ne suffit pas à éviter l’étalement urbain).
- La voiture perd - dans la zone centrale de l’agglomération - de plus en plus de terrain au profit de toutes les alternatives (marche, vélo, "engins de déplacement personnel électriques" et explosion de la fréquentation des TC)
La logique de réseau à trois niveaux qui a prévalu jusqu'alors n'est peut-être plus adaptée :
- Pour le centre-ville et la première couronne, du transport de masse sur métro (ou tram sur certains axes considérés comme moins forts, voire BHNS pour C1/C2/C3)
- Pour les autres secteurs d'agglomération, des rabattements en bus sur ces lignes fortes
- Pour ceux qui viennent de l'extérieur de l'agglomération, du TER (ou du car type 2EX ou certaines lignes de Transisère, avec accès direct au cœur d'agglomération)
Le service qui en découle est performant et compétitif par rapport à la voiture sur la plupart des origines / destinations radiales mais il est peu attractif pour les déplacements depuis la première couronne vers la première couronne...
Et si on rezoome sur le centre, l'architecture du réseau métro a été conçue il y a plusieurs décennies. A l'époque, le cœur d’agglomération, c'était la Presqu’île. La ligne A la dessert du nord au sud (pour la partie urbanisée de l'époque), la ligne C dessert le nord et la ligne D relie le cœur de Bellecour à l'ouest/banlieue nord-ouest et à l'est/banlieue sud-est. Seule la ligne B, conçue finalement comme une petite ligne de jonction entre la A et la Part-Dieu dessert ce qui est devenu aujourd'hui le vrai cœur d’agglomération. Aujourd'hui, même des trajets entre des secteurs comme Croix-Rousse et Gerland sont peu appréciés en raison de plusieurs correspondances pour de petits tronçons, du fait du terminus de la ligne C à Hôtel de ville, du tracé de la D, seule ligne de métro qui va en première couronne à ses deux extrémités mais sans connexion directe avec Part-Dieu depuis la Presqu'île (ou autrement dit, depuis Bellecour).
Pour la desserte centrale d’agglomération, on est d'accord : il est nécessaire d'avoir une liaison à forte fréquence et en site propre intégral entre la Presqu'île et Part-Dieu. Mais le métro E est-il la meilleure solution ?
Si c'est le métro E depuis Bellecour, il n'y aurait aucune amélioration pour la ligne C.
Si c'est le métro E depuis Hôtel de ville, il n'y aurait aucune amélioration de puis la ligne D.
Ainsi, en restant à l'échelle du réseau métro, chaque solution ne résout qu'une partie du problème.
Par ailleurs, si on "redézoome" et revient aux enjeux plus haut, on se rend compte qu'on ne pourra pas répondre efficacement aux besoins posés par le changement d’échelle du territoire avec le projet de métro E. En effet, puisque l'étalement se poursuit, les problématiques d'accès au centre, et en particulier à la Part-dieu, s'accentuent. Avec le projet de métro E prolongé à la Part-dieu, comme le souligne Rémi, la seule amélioration apportée à des personnes venant de la deuxième couronne sont celles qui sont directement desservies par la branche de tram-train (Francheville, Chaponost et Brignais grâce à la correspondance à Alaï) ou bénéficieraient d'une correspondance avec le métro E à Ménival. Pour les autres, les correspondances restent multiples. La tendance à prendre sa voiture pour se rabattre sur le métro (ou le TER lorsqu'il n'est pas saturé) risque donc de demeurer forte et apporter une pression supplémentaire sur les lignes de bus qui n'ont pas de voie réservée, accentuant de fait, le phénomène.
Au regard de contexte, il semble donc plus intéressant de profiter de l'apport d'expérience des Allemands ou des Néerlandais pour enfin oser des aménagements adaptés aux différents environnements des lignes de transport. A Amsterdam, la ligne 51 est en souterrain en centre-ville, sur voies tram là où la pression n'est pas trop forte et sur voies tram-train (type T3) dans des secteurs nouveaux. Les coûts de construction d'un km peuvent donc varier de 15 à 100 M€ selon les besoins, tout en offrant un service sans correspondance de la périphérie au centre. Avec le métro sur pneu à la lyonnaise, un km vaut toujours 100 M€. Au regard de la pression sur les finances publiques, il n'est donc pas crédible de prolonger de telles lignes au-delà de la première couronne... et donc de multiplier les correspondances... et donc de ne pas répondre aux évolutions actuelles du territoire.
Et enfin, avec le bouclement du périphérique, on améliorera encore les temps de déplacement en voiture et réduira d'autant l'avantage comparatif des TC dès la première couronne...