De : laurence Mermet Cohérence
Le Monde du 18 septembre : Enquête - La France des autoroutes : malus pour l'environnement
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La date de la journée d'action nationale des opposants à l'autoroute n'a pas été choisie au hasard. Samedi 16 septembre a débuté la Semaine de la mobilité, pilotée par les ministères de l'écologie et des transports, destinée à promouvoir "les modes de transport moins polluants". Les défenseurs de l'environnement ont bondi sur l'occasion, en organisant, le même jour, un rassemblement national à Valence. Leur mot d'ordre : "Le climat change, changeons de transports."
La question posée est simple : faut-il investir dans de nouvelles infrastructures autoroutières alors que la France s'est engagée à diviser par quatre, d'ici à 2050, ses émissions de gaz à effet de serre (GES) ?
L'Etat projette d'ouvrir, d'ici à 2025, 2 900 kilomètres de nouvelles voies d'autoroute et d'élargir 1 600 kilomètres de voies existantes. Or, les transports sont le premier émetteur de gaz à effet de serre, qui plus est en forte croissance. Et, selon André Gastaud, chargé des transports à la Mission interministérielle de l'effet de serre (MIES), "les améliorations techniques apportées sur les véhicules, ainsi que le recours aux biocarburants ne suffiront pas à infléchir suffisamment cette tendance".
Les écologistes réclament donc "une rupture". "Quand un nouvel axe routier est construit, cela génère du trafic supplémentaire, au bout de dix ans il y a saturation et les techniciens proposent de construire une nouvelle route", ironise Michel Dubromel, responsable des transports à France Nature Environnement (FNE). Le 10 juin, un appel pour un moratoire sur les projets autoroutiers avait été lancé, à l'initiative d'une association locale, l'Alternative régionale Langon Pau (ARLP). Il rassemble aujourd'hui des dizaines d'associations régionales et nationales.
Cette initiative a marqué un tournant. "Nous sommes partis de questions de voisinage, pour aboutir à une prise de conscience de problèmes globaux", explique Julien Milanesi de l'ARLP. Les reproches traditionnels faits aux autoroutes sont toujours cités - impact sur le paysage, destruction de l'environnement traversé, pollution locale -, mais ils font désormais partie d'un argumentaire où la lutte contre le réchauffement climatique tient la première place.
En réponse, les défenseurs de l'autoroute, experts des Ponts et Chaussées et sociétés privées, fourbissent leurs arguments. La construction de nouvelles autoroutes, plaident-ils, permet de réduire la saturation des axes anciens en opérant un transfert interne au secteur autoroutier.
Autre argument : la fluidité du trafic limiterait les embouteillages qui génèrent de la pollution. Au ralenti, les voitures et les camions consomment en effet davantage de carburant et émettent plus de particules polluantes. Enfin, les autoroutes s'intégreraient de mieux en mieux aux paysages. La société des Autoroutes du sud de la France (ASF) avance qu'elle a consacré, en 2005, 10 % de son budget construction à l'environnement.
L'autoroute est aussi l'espace de circulation le plus sûr, responsable de seulement 6 % des morts sur la route, contre 52 % pour les départementales et 23 % pour les nationales. Enfin, selon leurs promoteurs, les nouveaux tronçons prévus permettront de parfaire le maillage du territoire, de faciliter les échanges, et de désenclaver certaines régions. Les élus, soulignent-ils, y sont majoritairement favorables, l'arrivée d'une infrastructure étant pour eux synonyme de développement économique.
Pourtant, l'étude des ouvrages existants montre que ce bénéfice n'est pas automatique. "On observe, certes, une arrivée des investissements et des populations vers les noeuds autoroutiers, mais dans le même temps, les zones situées sur leurs parcours sont désertées", observe Alain Morcheoine, directeur à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Selon lui, le développement des capacités autoroutières a bien pour effet d'accroître le trafic. "Il est donc plus urgent, assure M. Morcheoine, d'augmenter la capacité ferroviaire que de faire des autoroutes supplémentaires."
Le seul moyen d'obtenir une baisse du trafic routier serait de le reporter vers d'autres modes de transport. Ceux-ci doivent être fiables et compétitifs. "Là où l'offre pour les passagers est concurrentielle, comme sur les TGV Paris-Lyon ou Paris-Marseille, les autres modes cèdent du terrain", relève M. Morcheoine. Le problème est, précisément, que pour les marchandises, l'offre est loin d'être concurrentielle. Des goulets d'étranglement importants existent : contournement de Lyon et de Montpellier, traversée des Alpes, notamment.
Le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003 avait donné la priorité au ferroviaire en lui consacrant 75 % du budget infrastructures des transports. En 2006, l'Etat devrait consacrer 81 % de ce budget au rail.
Mais, depuis 2005, les autoroutes ne sont plus du tout financées par le contribuable, mais entièrement par les péages. Ce changement a permis, comme on le souligne au ministère des transports, de concentrer les crédits publics sur les modes alternatifs à la route. Mais il permet aussi un développement parallèle des deux modes de transport. Cette évolution est jugée contre-productive par les opposants à l'autoroute, qui estiment que la route, plus facile à rentabiliser et plus attractive, en sortira toujours gagnante.
L'augmentation prévisible du coût des carburants pourrait néanmoins bouleverser la donne. Pour la première fois depuis le premier choc pétrolier de 1974, la circulation automobile, en France, a baissé en 2005 (- 1,4 %). Les écologistes y voient un argument de plus en leur faveur.
Dominique Buffier et Gaëlle Dupont
Article paru dans l'édition du 19.09.06