Mardi 2 novembre, le rapport d'évaluation du Grenelle de l'Environnement a été rendu public. Les principaux extraits concernant les transports.
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Les engagements du Grenelle de l’Environnement visent à réduire de 20% d’ici 2020 les émissions de CO2 afin de les ramener au niveau de 1990. Cet objectif global se décline de la façon suivante :
• réduire significativement l’empreinte environnementale des modes de transports les plus émetteurs ;
• favoriser le développement des transports alternatifs à la route et à l’avion ;
• limiter l’augmentation de la capacité routière du pays à l’élimination des points de congestion, des problèmes de sécurité ou d’intérêt local.
Pour être pleinement effectif, le rééquilibrage attendu des modes de transports nécessite vraisemblablement une transformation de la gouvernance du transport en un service d’utilité publique de mobilité multimodale, et passe par un renforcement du signal prix au profit des modes propres et durables, par la poursuite de l’internalisation des coûts environnementaux et sociaux.
Nul doute que le Grenelle de l’Environnement a de ce point de vue permis d’opérer une véritable rupture dans les mentalités, la mobilité étant désormais au coeur de la transformation de la gouvernance des services de transports, et la minimisation de l’impact environnemental des modes les plus émetteurs étant devenue une priorité établie.
La relance conséquente du secteur automobile pourrait avoir temporairement ralenti les reports modaux attendus.
2 000 km de nouvelles Lignes à Grande Vitesse doivent être déployées pour un investissement de 53 milliards d'euros d’ici 2020. Par ailleurs, un important programme d’accélération de la régénération des lignes existantes a été mis en oeuvre, qui voit passer la réalisation annuelle de 600 km en 2005 à 1 000 km en 2010 et les engagements budgétaires correspondants de 1,1Md€ en 2008 à 1,8Md€ en 2012, soit une hausse sur la période de plus de 60%.
L’importance des projets et le coût des investissements rendent la réalisation du SNIT très dépendant de la capacité de mobilisation des financements dans la durée et leur déploiement, même si ces derniers ne sont pas encore assurés. Par exemple, programmée pour apporter un financement annuel de plus d’un milliard d’euros à l’AFITF, l’éco-redevance poids lourd est un outil indispensable à la réussite du programme. Par ailleurs, la planification devra également intégrer l’impact de l’exploitation de ces infrastructures sur l’équilibre économique du secteur.
L’Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires a également été créée afin d’assurer transparence et équité dans les conditions d’accès aux infrastructures et dans l’attribution des sillons ferroviaires aux opérateurs de transport, dans le cadre de l’ouverture du secteur à la concurrence.
Un engagement résolu en faveur du développement de modes de transports collectifs propres et innovants, malgré la crise économique et une réglementation sur le partage de la voirie qui évolue peu.
Le lancement d’appels à projets pour un montant total d’aide de l’État de 2,5Md€ visant à créer de nouvelles lignes de tramways ou de bus en site propre s’est avéré particulièrement fructueux et a suscité un nombre de candidatures dépassant les attentes initiales. Le premier appel à projet a reçu une cinquantaine de dossiers, émanant de 37 collectivités, pour un total de 424 km, dont 205 km de tramway (à comparer aux 430 km de tramway existant à la date du Grenelle) et pour un investissement de 6 Mds€ dont 800 M€ financés par l’État. Par ailleurs, malgré la crise, les collectivités continuent à investir dans des projets de transport public, comme le montre le succès du second appel à projet, qui vient de recueillir une soixantaine de candidatures.
Dans le domaine routier, en sus de la diffusion de véhicules peu émetteurs, les actions en faveur d’une mobilité plus propre sont concentrées autour de l’éco-conduite et des changements culturels que constituent l’auto-partage et le covoiturage. Depuis le Grenelle, le label « auto-partage » a été créé et plusieurs expérimentations sont en cours ou à venir. Ces initiatives cherchent à s’inscrire dans une approche cohérente, traitant l’ensemble des modes et des interfaces multimodales, pour arriver à un service global de mobilité. Le développement et la place de ces modes de transport et notamment le covoiturage et les modes doux pourraient être encouragés par une évolution de la réglementation et du code de la route, ainsi qu’un nouveau partage plus équitable de la voirie, qui permettrait de réduire la part significative accordée à la voiture particulière.
De nombreuses mesures sont déployées pour favoriser le fret non routier, sans pour autant enrayer l’érosion de la part du fret ferroviaire.
L’avancement du projet Carex (transport de marchandises la nuit, aux heures creuses des sillons) semble avancer conformément aux échéances. Une autoroute ferroviaire consistant à uniformiser la qualité de service du réseau sur une longue distance a été réalisée avec succès sur la ligne test Perpignan-Bettembourg (3 rotations quotidiennes pour l’instant.
Toutefois, au global, l’engagement d’augmenter la part du fret ferroviaire de 25% d’ici 2012 est pour l’instant en difficulté, la tendance étant plutôt à une légère diminution relative du fret non routier. En effet, la part du fret ferroviaire a diminué depuis 2007 du fait notamment de la concurrence du transport routier et de problèmes liés à la qualité de service du réseau ferroviaire : vitesse et charge admissible ne sont pas harmonisées sur l’ensemble du réseau, et les travaux de revitalisation du réseau national rendent difficile la garantie de sillons dans la durée. Un comité de suivi d’engagement national pour le fret ferroviaire a été créé pour suivre l’évolution de cet engagement et tenter de remédier au plus tôt à la tendance enregistrée.
Une transformation progressive de la gouvernance du transport vers celle de la mobilité durable prenant mieux en compte les coûts externes.
Pour parvenir à la mise en oeuvre complète du « changement drastique de stratégie dans les transports » porté par le Grenelle de l’Environnement, il reste encore à renforcer le signal-prix au profit des modes propres et durables, en favorisant la poursuite de l’internalisation des coûts environnementaux et sociaux.
La création de l’observatoire des transports est une avancée notable en vue d’un affichage environnemental fiable et cohérent sur l’ensemble des prestations de transport.
Cet observatoire a créé une véritable dynamique sur l’évaluation et l’affichage des émissions des transports de marchandises et des transports publics. Pour les voyageurs, ceci ne sera efficace que si un effort comparable est appliqué à la route. Cependant, cet affichage amélioré ne doit pas occulter le fait que le coût de la route reste endeçà du coût des sillons ferroviaires, limitant l’incitation de l’usager au transfert modal vers des modes propres. Pour le transport de passagers, le coût des sillons a été augmenté en prévision d’investissements d’extension et de renouvellement du réseau, entraînant une augmentation du prix affiché pour les voyageurs. Pour le transport de marchandises, le coût du sillon ferroviaire a été gelé, mais le développement du fret ferroviaire ou des autoroutes maritimes se fera difficilement sans mesure incitative supplémentaire, notamment la tarification adéquate du trafic routier de marchandises. Pour cet objectif, l’engagement de mettre en place une éco-redevance poids lourds est critique. Cet engagement initialement prévu pour 2010 a été reporté en 2011 par la loi Grenelle 1, du fait de la complexité technique liée notamment aux transports transfrontaliers et à l’intégration au programme d’une partie supplémentaire significative du réseau. Compte tenu du caractère fondamental de cette éco-redevance pour assurer le financement des infrastructures de transports alternatives à la route, sa mise en place devrait être effective au plus tôt.
Les autorités organisatrices de transport doivent encore devenir des autorités organisatrices de mobilité durable.
La gouvernance actuelle du transport en tant que service d’utilité publique est assise sur une structure territoriale à plusieurs échelons (national, régional, départemental ou local). Or, il devient impératif d’intégrer l’ensemble des modes de transport et les fonctions relatives à la mobilité dans cette gouvernance, afin d’offrir à l’usager des infrastructures cohérentes et harmonisées autour d’interfaces multimodales uniques à l’échelle des territoires. Par ailleurs, il n’est pas certain que la réforme à venir des collectivités territoriales instaure cette notion d’autorités organisatrices de mobilité. Il faut cependant noter que des communautés urbaines ou d’agglomération commencent à se saisir unilatéralement de la compétence mobilité, et sont donc en avance sur la réglementation.
Une transformation qui prendra du temps, mais qui semble inéluctable au regard de la dynamique amorcée.
A la crise économique conjoncturelle s’ajoutent des éléments structurels, nécessaires pour comprendre l’impact des différentes mesures prises dans le cadre de la modernisation et de l’extension des infrastructures de transport et de l’offre associée. Le Grenelle de l’Environnement a permis d’engager d’importants moyens d’aide aux transports, puisque ce sont quelques 97Mds€ qui seront dépensés d’ici à 2020 en faveur des infrastructures. Cette aide est effective, mais l’échéance à laquelle ses résultats seront visibles est lointaine, du fait notamment de la durée des travaux qui se compte en années. Par opposition, le bonus-malus a un effet monétaire et environnemental immédiat pour l’usager et l’industrie automobile : il nourrit vraisemblablement à court terme la perpétuation d’une préférence pour la mobilité individuelle.
Le Grenelle de l’Environnement a été moteur pour organiser et favoriser la concertation.
La méthode employée lors du Grenelle a permis de réunir efficacement les « cinq collèges ». L’inclusion d’ONG dans les groupes constitués a autorisé une prise de relief et un regard global sur les débats menés. La dynamique du Grenelle a également permis de capitaliser sur un engagement fort et réel de tous les acteurs, et de sensibiliser largement la population sur les enjeux environnementaux du transport.
Les impacts du Grenelle et des mesures envisagées dépassent le cadre de la diminution des émissions.
L’influence du Grenelle se retrouve dans les actions réalisées, mais aussi et surtout dans le changement des mentalités et les évolutions de la société. Le citoyen est désormais demandeur d’une offre de mobilité, et les autorités organisatrices devront s’adapter à cette nouvelle demande. Les mesures engagées ouvrent la voie vers une mobilité durable contribuant aussi à l’amélioration de la qualité de vie des citoyens. La prise de conscience des bénéfices environnementaux et sociaux de la mobilité alternative (moins de pollution atmosphérique, moins de bruit, moins de congestion, moins d’accidents, moins de maladies pulmonaires, plus de temps, etc.), en modifiant les comportements, devrait permettre d’atteindre l’objectif de réduction des émissions fixé par le Grenelle pour le secteur des transports. Ceci sera fonction des délais de mise en oeuvre des dispositifs faisant porter les coûts de congestion, d’accidentologie, de nuisances diverses à ceux qui les produisent, conformément à l’esprit du plan de la mobilité urbaine décidé par la Commission Européenne.
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L'intégralité du rapport
http://www.developpement-durable.gouv.f ... entier.pdf