Cela fait 24 ans maintenant que je travaille sur les systèmes tramways. J'ai passé une grande partie de ma carrière professionnelle à Nantes où, comme vous le savez, s’est implantée la première ligne de tramway moderne en France. Auparavant, il restait trois lignes de tramway en service en France : Lille, Marseille et Saint Etienne.
Quand il s'est agi de définir un nouveau tramway à Nantes, il s'agissait aussi de dialoguer avec les autres villes de France intéressées par la mise en service d’un tramway : Lyon, Grenoble, Saint Etienne, Paris... Il y avait un groupe de travail qui avait été constitué et dont la caractéristique était de se préoccuper essentiellement du véhicule et pas du tout du système. C'est bien plus tard que l'on a commencé à considérer un tramway comme un système. On était dans une période heureuse parce qu'on était exploitant, on était maître d'ouvrage délégué du district, c'est-à-dire qu'on était pratiquement maître d'ouvrage, on était maître d'oeuvre général et on était aussi maître d'oeuvre particulier dans certains domaines, en particulier la voie.
On a commencé le tram en 80 et la mise en service était en 85.
Quand on a essayé de définir le système, on avait peu de choses à notre disposition, dans la mesure où il y avait peu de références et peu d'expérience en France. On avait soit des systèmes lourds avec des expériences constitués par la RATP et la SNCF, soit des systèmes quiétaient plutôt obsolètes, il faut bien le reconnaître, à Lille, Marseille et Saint Étienne.
Par exemple, à Saint Étienne on nous a dit : « Ecoutez, il n'y a pas de souci, il faut poser les rails dans le tout venant et tu verras, quand ça bouge un peu, tu mets des dalles de béton par dessus et si ça bouge encore, tu relèves le tout ».
Ce n'était pas notre conception et, pour acquérir une forme d'expérience, on est allé voir un grand nombre de réseaux allemands et belges. Les réseaux ont été très coopératifs, donc on a « pompé » un peu d'expérience. L'atelier était copié sur Bielefeld, une partie de la pose de voie sur Dortmund... La mise en service, la préparation de la conduite et la formation des formateurs a été faite par le réseau de Bruxelles. La RATP est intervenue pour le Système d’Aide à l’Exploitation (SAE). Mais il y a une partie qu'on avait oubliée, c'était la préparation de l'arrivée du tram dans les futurs services d'entretien des rames et du réseau.
Pourquoi ? Il y a deux raisons:
Le matériel roulant, dont on avait reçu des véhicules de présérie, était gardé jalousement par Alstom : toute la période d'essais était faite par eux et la tendance a été plutôt d'écarter les gens qui, pourtant, étaient intéressés, en disant : « Non, on vous dira quand ce sera prêt, pour l'instant ce n’est pas prêt ».
Même si c’est un peu caricatural, c’est assez ressemblant. Le problème a commencé quand on a cherché des volontaires pour aller sur le tramway. On s'est rendu compte alors que le tramway faisait peur, qu’il était considéré comme un véhicule de haute technologie et que les gens n'étaient pas préparés, parce qu'il y avait très peu de formation préalable de faite. Les gens ont dit : « Non, on ne va pas y aller et ce sont sûrement des gens de la RATP qui vont le faire »...
Donc il y a eu tout un tas de bruits de couloir et on a mis plusieurs années avant de récupérer ce handicap. Du côté des installations, on a fait un autre type d'erreur. On a embauché beaucoup trop tôt des gens surqualifiés. Pourquoi : parce que, sur les conseils des gros réseaux, on a voulu créer une cellule de renfort pour l'entretien des sous-stations. Après, on s'estrendu compte qu'il n'y avait rien à faire. Il faut les nettoyer une fois par an et, le jour où ça claque, on ne peut pas intervenir parce que c'est trop complexe et on fait intervenir une entreprise. Cela ne sert à rien quelqu'un de surqualifié pour faire du balayage.
Le SAE était également beaucoup trop complexe. En fait, on avait oublié que le tramway est beaucoup plus proche du bus que du métro. On fait de la marche à vue, on ne fait pas des lignes automatiques. Donc, là, il a fallu prendre beaucoup de recul. Dans un premier temps, j'étais maître d'ouvrage et maître d'œuvre et ensuite j'ai passé 5 ans à la direction technique du réseau de Nantes et j’ai retrouvé les conséquences des choix techniques que j'avais faits en tant que maître d'ouvrage. Il a fallu « ramer », non pas licencier, mais réorganiser les postes de travail.
Dans le même temps, Grenoble est en train de faire son tramway. Mais on a très peu de contacts entre les réseaux ou alors des contacts formels, je dirais un peu « langue de bois », du genre : « Alors ça va ? Oui ça va. Non, je n'ai pas de soucis »... À Grenoble, bien que ce soit le même groupe, Transdev, qui gère le réseau, c'est presque la ville ennemie, parce qu'elle a volé la vedette à Nantes qui, pour des raisons de politique locale, n'a pas pu communiquer à la mise en service de son tram alors que Grenoble, avec Carignon, en a fait une vitrine internationale. Et puis la Semaly appuyait fortement Grenoble... On retrouve le même phénomène à Strasbourg. Ensuite, on sort un peu de l'ornière, on redéploie une deuxième ligne de tram.
Autant la première ligne de tram pouvait s'apparenter à ce que, dans le langage des professionnels, on appellerait un métro léger, autant la deuxième ligne devient un outil d'urbanisme. On en profite pour restructurer et réorganiser la ville, changer les mentalités au niveau des circulations automobiles. On vise à modérer le trafic automobile alors que, sur la première ligne, on avait une consigne de ne pas gêner la circulation automobile. Donc, alors qu’on travaille à trafic constant sur les carrefours pour la première ligne, pour la seconde on dit : « Passera le nombre de voitures qui pourra passer ». Sur la première ligne, on a fait un système de priorité aux feux qui est géré par l'ordinateur central de la ville de Nantes. Le tram est incorporé dans des « ondes vertes » et l’on s'est aperçu, au bout d'un moment, qu'on n'avait aucune priorité, aucune prise en compte... La deuxième ligne fonctionne en micro-régulation, au niveau de chaque carrefour, ce qui permet d'avoir une totale prise en compte, même si ce n'est pas une priorité totale.
À la fin, le groupe Transdev pense que nous avons engrangé pas mal d'expérience, avec des erreurs, des recadrages... et il se tourne vers Nantes et on commence à être sollicité sur d'autres projets. C'est le cas de Montpellier, où l’on est devenu assistant du maître d'ouvrage. C’est une démarche intéressante parce qu'on a découvert, pour la première fois, le lancement d'un concours de maîtrise d'oeuvre en application stricte de la loi du 12 Juillet 1985, relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, dite loi MOP. On a été les premiers à le faire, du moins ce sont les gens de Montpellier qui ont lancé les premiers ce type d'appel d'offres. On a également lancé l'appel d'offres sur performances pour le matériel roulant de Montpellier. Là, on a commencé à faire de l'assistance à maîtrise d'ouvrage.
Comment les services de l'État ont réagi pendant ces phases de réalisation ?
Par rapport à aujourd'hui, où il y a une certaine lourdeur avec les dossiers de sécurité, les contrôles de l'État à différents niveaux, le STRMTG..., cette époque était une période bienheureuse où l’on faisait tout : maître d'ouvrage, maître d'oeuvre..., et on ne connaissait l'État que par le représentant de la DDE locale, à travers les subventions que l'on demandait à l'État. Quasiment quelques jours avant l'ouverture, on sollicitait l'autorisation de mise en service auprès du préfet et, seulement à ce moment-là, les services se sont aperçus qu'il fallait homologuer la ligne. Mais, autant la DDE avait suivi de relativement près le matériel roulant, autant elle était passée complètement au travers du suivi de l'infrastructure du système. Très vite un petit rapport a été fait, avec quelques observations, et on a eu l'autorisation de mise en service.
Par la suite, les choses ont changé, dans la mesure où, sur la deuxième ligne, les services de l'État ont suivi l’avancée du projet assez régulièrement. En effet, pendant la brève période où l’on n'a pas eu de travaux entre la première et la seconde ligne, on avait constitué un groupe de sécurité avec la DDE. On se retrouvait régulièrement avec la DDE et on faisait un bilan des accidents et des incidents qui s'étaient produits sur la ligne de tram. On faisait comme dans l'enquête « Réagir » en circulation routière, on en tirait des propositions de modifications ou de prise en compte de risques et, après, on mettait ou on ne mettait pas en application, parce qu'il y avait parfois des difficultés... Mais on avait une ébauche de suivi.
Un constat : les représentants Transports des DDE avaient aussi des correspondants et si moi je me plaignais de ne pas avoir assez de contacts avec les autres réseaux, le correspondant Transports de la DDE se plaignait lui, à l'époque, qu'il n'y ait pas suffisamment d'échanges entre les différentes DDE sur ce thème de la sécurité. Cela s'est amélioré à partir de 1992 parce qu'il y a eu des efforts pour fédérer tout cela. Mais, pendant tout le temps où j'ai été à Nantes, je n'ai jamais eu de présentation d'un système global. Il n’y avait pas de recension des expériences.
Après mes premières armes comme assistant maître d'ouvrage à Montpellier, je suis rentré chez Systra.
L’AMO (assistance à maîtrise d’ouvrage) est devenu mon métier principal. Cette mission est complètement basée sur le retour d'expérience, car il s'agit d'apporter son expérience et son conseil au maître d'ouvrage. Je ne suis pas meilleur qu'un autre, mais j'ai la chance d'avoir été maître d'ouvrage, maître d'oeuvre pour partie et exploitant et d'avoir travaillé sur plusieurs réseaux en France. Je suis relativement à l'aise pour dialoguer avec un exploitant ou avec un chef d'équipe... C'est à partir de cette expérience que j’ai accumulé une certaine expertise.
Bibouquet a écrit :Vous noterez que la photo p12 n'est pas du tout de source "Kéolis Lyon", mais plutôt de source "Ma Pomme" !
BBArchi a écrit :On est en 2008. Comme d'hab, depuis une quinzaine d'années, sous couvert d'amélioration dans beaucoup de domaines : le résultat produit par une kyrielle d'actifs générateurs de référentiels, de protocoles et de vecteurs de rapports agglutinés autour de "fromages" à qui il serait souhaitable de f...... la paix pour pouvoir les déguster en
Doktor Villamos a écrit :Je me rappelle plus où mais Nanar parlait de 40 M € de frais d'études pour le tram de Clermont (à vérifier).
Sur un chantier il est difficile de tricher sur le prix des rails ou du béton, en revanche 40 millions de frais d'études ça peut être justifié...
... ou totalement bidon !
Vous, vous rappelez du rapport de Mme TIBERI payé une fortune par la Ville de Paris et bourré de lieux communs et de fautes d'orthographe ?
J'en arrive à me demander si le critère de décision sur certains chantiers ce ne serait pas:" combien on va pouvoir facturer de frais d'études ?"
Rémi a écrit :Salut
C'est peut être HS mais moi ça m'intéresse bigrement...
A+
Rémi
Un tramway dopé aux batteries
Le paysage urbain sur les lignes de tramway pourrait changer d'allure dans un futur proche. La RATP et Alstom viennent de lancer une rame expérimentale sur le T3 alimenté par une batterie. Ce système pourrait à terme permettre aux tramways de fonctionner sans caténaires grâce à des stations de recharche rapide. Ce projet, baptisé Steem, est pour l'instant testé entre Pont du Garigliano et Porte d'Ivry où circulent quelque 180000 voyageurs chaque semaine. La rame spéciale est équipée sur sa toiture de supercondensateurs qui stockent l'énergie fournie dans les stations. Ils sont rechargés en seulement vingt secondes, affirme la RATP, "soit le temps de l'arrêt du tramway en station". Pour Alstom et la régie, le système, s'il s'avère concluant pourrait etre un moyen de préserver "l'esthétique urbaine" avec des tramways fonctionnant sans cables électriques. Autre atout, ce système pourrait permettre de réaliser "jusqu'à 30 % d'économie d'énergie".
nanar a écrit :Où mettre le volant d'inertie sur un tram à plancher bas ?
manu69 a écrit :Pourquoi parlez-vous de 20 secondes, alors qu'on peut lire "...les super-condensateurs à forte densité de puissance et faible énergie emmagasinée permettent un stockage d’énergie de haute puissance dans un temps très bref (1 à 10 secondes). " dans un des liens de fcancalon ? ???
Bon je n'ai pas tout compris au "volant d'inertie"
Ou mettre le volant d'inertie?
Au hasard. Sur le toit ???
nanar a écrit :Qu'en penses tu ?
BBArchi a écrit :A propos de LAC : lors du passage sous la tour (dans la photo) il semble qu'il y ait simultanément les LAC du tram et celles du trolley. 3 lignes au total... Comment ça se passe ? Différence de hauteurs entre les 2 Çà ne saute pas aux yeux avec le panto du tram...
Boblyon a écrit :Ben si, en France on sait le faire aussi et même à Lyon - cours Lafayette direction ouest sous le pont du chemin de fer pour T1/C3 - la LAC tram est plus basse que la LAC trolley
Revenir à « Le forum de Lyon en Lignes »
Utilisateurs parcourant ce forum : Ahrefs [Bot], man-x86 et 62 invités