Privatisation des chemins de fer ?

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amaury
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Privatisation des chemins de fer ?

Message non lupar amaury » 09 janv. 2012, 10:19

La discussion initiée dans ce fil part en HS. Je propose de l'aborder ici.

Les arguments qu'on en vient à évoquer me font penser à un article sur lequel je suis tombé il y a quelques jours : http://2ccr.unblog.fr/2012/01/03/sncf%E ... ns-prives/

Voici mes réactions :
* A ma connaissance, le changement d'horaire du 11/12/2011 n'est pas lié à l'ouverture à la concurrence mais au cadencement des trains. Il permettra probablement d'intégrer plus facilement de nouveaux trains mais ça n'est pas exactement "on vous rend la vie dure pour intégrer des trains privés"...
* La mise en concurrence permet de choisir le "mieux disant" et non le "moins disant". Si les collectivités choisissent le moins cher à tout prix, c'est les élus qu'il faut changer...
* La mise en concurrence des entreprises pour les TER repose en effet sur les mêmes bases que les réseaux de transport urbains et les gens qui y travaillent ne sont pas forcément moins bien lotis que les cheminots (ça dépend des cas... et ce n'est donc pas un problème de système mais bien de choix politiques...)
* La décentralisation possède l'avantage de redonner le pouvoir aux élus et non plus au duo "corporations professionnelles" (type ingénieurs ponts et chaussées)/"syndicats" (défendent à la fois une vision corporatiste qui ne rejoint pas toujours l'intérêt général et même, souvent, une vision de l'intérêt général qui n'est pas forcément celle issue des urnes...). Aucun des deux ne rend des comptes devant les citoyens. La décentralisation donne le pouvoir aux élus. Reste à bien choisir les élus... Et à aller voter aux élections...

Finalement, j'en reste à cette conclusion : bien choisir ses élus ! C'est que comme ça, à mon avis, qu'on peut garantir des conditions de travail et un niveau de rémunération décents. C'est que comme ça qu'on peut garantir que les marchés publics et autres délégations de service public soient faits dans l'intérêt général.
A quand le retour des trolleys sur l'axe A2 ?!? Pourquoi attendre le TOP ??? En attendant, RDV sur les traces du FOL: http://folsaintjust.free.fr.
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Re : Privatisation des chemins de fer ?

Message non lupar Rémi » 09 janv. 2012, 11:06

Salut

L'embryon de cadencement français réalisé le 11 décembre dernier n'est pas du tout lié à l'ouverture à la concurrence mais à la conjugaison de deux facteurs dominants que sont l'ouverture de la LGV Rhin-Rhône qui, tapant le noeud de la Part-Dieu, implique des modifications en cascade sur de nombreuses lignes du réseau, et le lancement de nombreux travaux de rénovation et de développement sur le réseau, avec d'une part l'impact de la mise au gabarit pour l'autoroute ferroviaire de la ligne Paris - Bordeaux et les travaux SEA sur le même axe, et l'augmentation du linéaire en rénovation.
Intégrer des trains privés... on a intégré une paire de trains Thello et c'est tout...

L'ouverture à la concurrence telle qu'elle est rendue possible (mais non obligatoire) dans le cadre européen repose sur la délégation de service public par une autorité organisatrice : il n'y a rien à voir avec ce que fut la situation britannique au début des années 1990. D'ailleurs, il faut rappeler que la correction des erreurs commises par le gouvernement de Sa Majesté s'est fait au prix de dix années de travaux pour remettre en état le réseau, comme ce qu'on commence à faire en France, ce qui montre une fois de plus qu'être estampillé "entreprise publique" n'est pas un gage de qualité du service au public.

En revanche, pour des entreprises dont les marchés ne passeraient pas par une mise en concurrence, le règlement européen leur interdit d'aller postuler sur des marchés extérieurs. En traduction, l'Europe reconnaît la régie interne (qui est le cas général des réseaux urbains allemands notamment), la délégation de service public type loi Sapin de 1993 ou le droit exclusif d'une entreprise (publique ou privée), mais cette dernière ne pourra pas postuler sur des DSP, d'où les contorsions françaises concernant la RATP et la SNCF.

Qu'il faille bien choisir ses élus est une évidence, mais ce n'est pas eux qui définissent les règles sociales de leurs délégataires, sauf si les missions essentielles sont en jeu, auquel cas, une intervention est possible, mais pas jusqu'à faire les feuilles de paie. De toutes façons, le code du travail continue de s'appliquer !

J'ajouterai quand même - par expérience - qu'il faut choisir ses élus, mais que l'essentiel est d'avoir de bons cadres à la tête des service : car un élu n'est bon que s'il est bien conseillé. Et pour une fois je reprendrai une phrase qui a fait débat, prononcée par un ancien ministre de l'intérieur, et qu'on peut appliquer à certaines corporations : "quand il y en a un, ça va... c'est quand il y en a plusieurs qu'il y a des problèmes...".

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Re : Privatisation des chemins de fer ?

Message non lupar BBArchi » 09 sept. 2012, 19:44

Je remonte ce fil qui me paraît le plus adapté à l'info que je viens de trouver :

http://www.ville-rail-transports.com/co ... -mod%C3%A8

Gestion de l’infrastructure ferroviaire : la Cour de justice européenne conforte le modèle allemand
06/09/2012

La DB est confortée dans son système, la SNCF applaudit.

Alors que l’on s’attendait à ce que l’avis de l’avocat général de la Cour européenne de justice (CEJ) aille dans le sens du recours de la Commission européenne, c’est-à-dire une dénonciation du modèle intégré de gestion de l’infrastructure ferroviaire de la DB et des ÖBB, ce dernier a pris position en faveur de ce même modèle.

« Selon M. Jääskinen, indique la CEJ dans son communiqué, la directive 91/440 n’oblige pas les États membres à réaliser une séparation institutionnelle entre le gestionnaire indépendant et l’opérateur historique.

Au contraire, cette directive permet à ces États de les intégrer dans la même société holding.

Par ailleurs, l’avocat général relève que les mesures supplémentaires invoquées par la Commission ne sont pas mentionnées dans les directives en cause, de sorte que leur adoption ne peut pas être exigée des États membres. M. Jääskinen rejette également les arguments de la Commission selon lesquels l’Allemagne aurait manqué à ses obligations en matière de tarification et de mise en place d’un mécanisme visant à limiter les coûts liés au service d’infrastructure et à réduire le niveau des redevances d’accès.

Dans ces conditions, M. Jääskinen considère que les recours de la Commission doivent être rejetés. »

Sans attendre l’arrêt de la CEJ, qui devrait être rendu début 2013, ces conclusions de l’avocat général confortent le modèle intégré à l’allemande et ouvrent la porte à celui pour lequel penche la SNCF. 



C'est une inflexion importante pour la suite, avec peut-être l'amorce d'une refonte -souhaitable- du millefeuille chronophage et dispendieux RFF/SNCF et consorts... et la remise à plat de certains choix européens qui ne sont plus vraiment en phase avec la réalité économique actuelle. O0
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Re : Privatisation des chemins de fer ?

Message non lupar Rémi » 09 sept. 2012, 21:28

Salut

Je ne sais pas ce qui va sortir et s'il sortira quelque chose étant donné la complexité du dossier : on connait la position de Pépy, son discours est bien rodé. Il fait son lobbying, tout le monde le voit. Cela dit, revenir en arrière, est-ce progresser ? De quoi a besoin le réseau ferroviaire aujourd'hui ? Il ne faut pas confondre, comme on a trop l'habitude en France, de confondre les moyens et les objectifs.

L'objectif du système ferroviaire, c'est d'avoir un réseau ferroviaire en bon état sur lequel puisse circuler un maximum de trains avec des coûts d'entretien et de développement maîtrisés. L'objectif de la SNCF, c'est d'être le seul acteur du ferroviaire en France et d'éviter d'avoir à changer pour avoir une certaine paix sociale interne. Ce n'est peut-être pas tout à fait la même chose.

Le sujet de la gestion du réseau, c'est d'abord d'améliorer in fine le coût de la rénovation du réseau, parce qu'il faut être naïf ou complètement inconscient pour croire qu'on pourra continuer à se passer d'un raisonnement sur la productivité. D'ailleurs, si aujourd'hui, de nombreuses opérations se font en ligne fermée (façon sillon alpin ou ouest lyonnais), c'est parce que les coûts en ligne ouverte sont dissuasifs (à peu près de 1 à 3) : donc tant que celui qui fait aujourd'hui la maintenance n'aura pas cette réflexion, c'est celui qui fait rouler les trains (et ceux qui les prennent) qui supporteront l'essentiel des conséquences.

Donc soit on reste comme on est aujourd'hui, et on ira droit vers la mise en concurrence de SNCF Infras sur la maintenance du réseau, soit on transfère le GID à RFF pour en faire une régie interne, soit RFF intègre une holding SNCF, mais dans tous les cas, ces manipulations de structure ne seront rien sans une réforme de fond qui permette de maximiser l'usage de chaque euro parce qu'in fine, plus on en fera à budget constant, plus on sauvera de kilomètres du réseau.

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Re : Privatisation des chemins de fer ?

Message non lupar BBArchi » 10 sept. 2012, 11:27

En attendant, in fine, d'avoir un acheteur d'extrême orient pour le tout.  ::)
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Re : Privatisation des chemins de fer ?

Message non lupar Rémi » 10 sept. 2012, 12:12

Salut

Franchement, je ne vois pas le rapport... la question du transfert de propriété n'est pas en question, donc il ne faut pas tout mélanger. Le sujet, c'est faire en sorte qu'un EPIC et un seul ait la main sur la gestion de l'infrastructure. Par contre, qu'on ait des compagnies privées qui roulent sur le réseau après licence d'agrément, c'est un autre sujet qui n'a rien à voir avec la gestion de la maintenance et du développement du réseau : ah si, quand même... plus on aura de trains, plus il sera facile de légitimer les investissements...

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Re : Privatisation des chemins de fer ?

Message non lupar BBArchi » 11 sept. 2012, 09:21

Non, c'est bien le même sujet.

Sans ouvrir le débat politique, je suis forcé de reconnaitre que la situation telle qu'elle se présente est lisible à l'horizon de 10 ans ; le parallèle avec le schéma grec est quasi obligatoire, en particulier en ce qui concerne le ferroviaire (malgré quelques différences de détails, très secondaires).

La "crise" fait que l'option de vente des chemins de fer grecs (réseau, exploitant, tout ce qui tourne autour de près ou de loin) est devenue une réalité, tout autant que l'intérêt extrême oriental pour ces actifs... et finalement, ce qu'on apprend aujourd'hui sur les pistes explorées chez nous est exactement le même discours que celui servi aux grecs il y a environ 5/6 ans.

Gênant...  :-\

Donc à mon sens, les infos disponibles maintenant sur les réflexions en cours montrent que la préparation est active pour cet horizon. Et le maintien de lignes / sauvetage de kilomètres avec le minimum d'euros est une intention louable, mais c'est juste une vision qui arrive un peu tard.

Je vois également de plus en plus la possibilité d'un tout autre scénario, consistant à mettre le tandem RFF et SNCF structurellement en faillite* pour une liquidation et une remise en marche avec un tout autre cadre, purement privatisé par lignes cette fois-ci. Ce modèle étant déjà actif dans le monde automobile ou aérien, il est devenu transposable au ferroviaire (avec ses effectifs en réduction constante).

Et il a l'immense avantage de s'assoir sur les questions "épineuses" du dialogue social. :buck2:


* déjà réalisé pour le fret, c'est en cours pour les liaisons voyageurs non rentables et transférables à la route. Pour tous les autres services, au hasard auto-train, messagerie, service postal, etc... il suffit d'organiser la fuite des clients et d'attendre que le défaut de recettes produise le même résultat.[br]: Lundi 10 Septembre 2012 à 22:46:30[hr][/hr]Quelques chiffres pour illustrer . Synchronisation parfaite, un article justement sur le sujet de l'avenir proche des transports (au sens large) ferroviaires et autoroutiers :
http://www.marianne2.fr/Transports-le-s ... 22312.html

En faisant le tri du ton polémique, il y a quelques données intéressantes à extraire.

Le nouveau ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, hérite d'un budget empoisonné. Le gouvernement va devoir réévaluer tous les financements... et procéder à des arbitrages drastiques.

Frédéric Cuvillier, le nouveau ministre des Transports du gouvernement Ayrault, a beau afficher une carrure de rugbyman et n'être pas un perdreau de l'année en politique, il n'encaisse pas le budget empoisonné que lui a laissé, en héritage, le gouvernement Fillon.

A savoir : plus de 245 milliards d'euros d'investissements annoncés (hors Grand Paris), des dizaines de partenariats publics-privés signés à la volée en 2011, quelques mois avant la présidentielle... financés par seulement 2 petits milliards annuels de rentrées !

«Vous rendez-vous compte, ironisait, avec dépit, il y a quelques jours, le maire de Boulogne-sur-Mer, à ce rythme, il va me falloir cent vingt ans pour tenir ces engagements !»

Conséquence de cette incurie, le gouvernement Ayrault va devoir imposer des arbitrages radicaux. Tous les programmes d'extension de lignes TGV – Marseille-Nice et Bordeaux-Hendaye notamment – vont être réévalués à l'aune de leur utilité sociale, et non plus, comme autrefois, en fonction du poids politique de l'élu qui les défend.

Projets non financés

Afin de favoriser économies et synergies, les deux frères ennemis du rail, la SNCF et RFF – en charge de l'exploitation d'un réseau dégradé –, vont enfin être réunis dans une holding. Et un nouveau sauvetage du fret ferroviaire, à l'agonie, sera tenté. En revanche, si 2 milliards de financement manquants ne sont pas dégagés, le canal Seine-Nord, vaste corridor fluvial qui doit relier les bassins de la Seine et de l'Escaut, risque d'être suspendu. Au grand dam des collectivités qui ont déjà investi dans l'aménagement de ses berges afin d'inciter des entreprises de conditionnement à s'y installer.

Afin de desserrer cet étau budgétaire, le gouvernement Ayrault va donc devoir puiser dans les poches profondes des sociétés d'autoroutes, qui dégagent 1,2 milliard d'euros de bénéfice annuel depuis qu'elles ont acquis, à prix bradés, ces équipements publics. Une première taxe de 150 à 200 millions d'euros leur sera imposée cet automne. Avec une clause de revoyure en 2013...


Il ne reste qu'à formuler le voeu d'une réalisation effective de ce qui est annoncé. :-\

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