nim a écrit :Pour pousser la caricature, si demain tu pouvais offrir une ligne directe ultra rapide d’Annecy à La Part Dieu, il n’y aurait aucun mal à la remplir avec des voyageurs ravis de travailler dans une tour et d’habiter les pieds dans l’eau du lac. Mais, je doute que susciter un tel mouvement pendulaire soit bénéfique que ce soit côté Lyon ou côté Annecy.
La voiture a créé un urbanisme ultra déséquilibré avec de gros quartiers d’affaires, bâtis sur des dalles et de gros parkings souterrains, alimentés par des flux de voiture depuis des banlieues dortoir rurbaines, et un espèce de no mans land au milieu qui subit toutes les nuisances sans pouvoir se développer (parce que les automobilistes ne s’arrêtent pas en chemin, parce que les gros parkings sont ailleurs, etc).
Si je te suis bien, tu veux dire qu'une infra (ou un service) de TCSP performant aura un bilan négatif parce qu'il favorisera la périurbanisation ? Les archives du forum peuvent témoigner de mon adhésion à cette grille de lecture pendant plusieurs années.

Pendant plusieurs décennies, l'action publique et les discours ont valorisé la maison individuelle en même temps qu'on était dans le tout-voiture caricatural. On a donc créé les conditions de dépendance à la voiture... cette dépendance paraissant même toute naturelle ! A cette époque, que ce soit pour accompagner le mouvement de périurbanisation ou pour l'initier, on a effectivement fait des infras de transport alimentant l'exode urbain.
Pourtant, les chiffres et analyses que je vois ces dernières années m'amènent à remettre en question ma vision précédente. En 20 ans, l'aire métropolitaine lyonnaise (Lyon, Saint-Étienne, L'Isle-d'Abeau, Bourgoin, Villefranche...) a pris 400 000 habitants de plus. 400 000 ! Et ces 400 000 là sont pour une grande part plus concernés par Lyon que les autres agglomérations du périmètre. Je pense ne pas dire de bêtises en soulignant que les communes de Lyon, Villeurbanne et presque toutes celles de la Métropole de Lyon ont vu leur population augmenter dans la période et que pour Lyon/Villeurbanne, c'est très significatif ! Jusqu'à la pandémie, on notait que l'aspiration à la maison individuelle et à la "campagne" n'étaient pas le moteur des gens qui entraient dans la vie active. Mais les ménages se desserrent, les quartiers se gentrifient, les dents-creuses sont construites, la demande de logements individuels est forte (et particulièrement rentable pour les investisseurs), le déficit de logements sociaux de certaines communes est un acte politique...
alors qu'on doit accueillir encore du monde dans les prochaines années, la pression immobilière ne devrait pas baisser. De ce fait, on voit bien que le mouvement d’installation en périphérie n'est pas du tout contradictoire avec la densification. C'est même finalement le contraire. L'un alimente l'autre. C'est l'image de la pyramide de sable présentée par Yves Crozet du LAET.
Aujourd'hui, la situation n'est donc plus la même. Je note que la périurbanisation lyonnaise n'est plus alimentée aujourd'hui essentiellement par le mouvement d'exode urbain qu'a connu la génération précédente mais surtout par la réalité d'un marché immobilier qui pousse hors des centres les familles à partir de deux enfants, en premier lieu si elles veulent être propriétaires mais, avec le dynamisme immobilier, même lorsqu'elles "accepteraient" de rester locataires. Les gens qui partent en périphérie ne font pas baisser l'attractivité des centres. Du fait de la raréfaction du foncier au regard des besoins (logement social) et de la demande (solde démographique positif) avec, en plus, les mouvements anti-urbanisation de ceux qui veulent défendre leur cadre de vie actuel
(qui n'ont pas tous des idées négatives de type entre-soi, ça peut être aussi des défenseurs de l'environnement branchés "mixité sociale"), ce ne sont pas des TCSP qui occasionneront de la périurbanisation. Au pire, ils la dirigeront dans certains secteurs où, grâce aux outils de la planification, on peut imaginer des stratégies d'accompagnement intéressantes (comme celles menées à Décines et Meyzieu).
A l'inverse, ne pas faire de TCSP performants en périphérie, j'ai l'impression que ça entraine deux choses : d'un côté, les mouvements type "Gilets jaunes" (les "laissés pour compte de la mobilité" face aux
fameux "bobos urbains à vélo qui profitent des meilleures infrastructures de transport et ferment l'accès aux voitures des pauvres qui n'auraient pas d'autre moyen de se déplacer"
(même là où les alternatives sont disponibles)) et, de l'autre, l'idée qu'il faudrait "répartir les emplois sur le territoire" ce qui revient, dans la "vraie vie", à créer des zones d'emploi accessibles uniquement en voiture et aboutit
in fine à alimenter les mouvements type "Gilets jaunes"...
Dans ce contexte, je suis aujourd'hui convaincu que l'équation n'est plus d'éviter d'offrir des moyens de développer la périurbanisation mais puisqu'elle se fait de toute façon, au contraire, l'objectif serait, de mon point de vue, d'essayer de proposer des moyens d'avoir une périurbanisation acceptable. Pour moi, ça passe par deux choses : des TCSP performants et le maintien du tertiaire dans les secteurs urbains (pas forcément Lyon / Villeurbanne mais au moins des centralités).