Salut
attention ça va être long,
J'arrive sans doute un peu après
(quoique ça fait même pas 24h) mais jonglant entre Lyon et Toulouse et ayant réalisé la fin de mes études à Toulouse tout en ayant pu travailler avec plaisir tant sur du transport urbain que du régional
et les prises de têtes qui leur sont propres, je peux apporter quelques éclaircissements sur la situation locale qui - croyez-moi - est un véritable sac de nœuds.
Je m'excuse par avance si ce post est considéré comme un hors-sujet mais il ne m'est pas rare de voir Lyon comparée à Toulouse (et surtout TEOL à la future ligne C) pour ce qui est du développement des transports collectifs donc je pense utile d'écrire ce ce post qui a plus vocation à informer qu'à débattre mais sait-on jamais
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Concernant le projet TAE (Toulouse Aerospace Express)
On a souvent tendance à évoquer le développement du réseau toulousain avec la seule ligne C en éclipsant le reste. Le projet de la ligne C n'est toutefois pas un projet de transport "indépendant" mais est un maillon constitutif d'un projet à plus grande échelle visant à connecter les principales zones d'emplois de l'agglomération en mode lourd.
Sont ainsi réalisés en simultané :
- La création de la ligne C.
- Le prolongement de la ligne B au sud visant à sa connexion à la ligne C (donnant au passage son nom au projet, "Connexion Ligne B").
- La transformation de l'antenne de l'ex-tram T2 en tramway Aéroport Express avec matériel roulant et infra dédiée, connectant l'aéroport de toulouse Blagnac à la ligne C.
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Concernant la ligne C
Elle a effectivement longtemps été opposée, notamment par JL Moudenc, maire de Toulouse et Président de Toulouse Métropole, à la création d'un RER toulousain.
Et ça peut se comprendre, un élu local va d'abord agir dans son champ de compétence propre et donc financer les TCU avant le ferroviaire. Cette position a toutefois largement évolué, aujourd'hui l'ensemble des collectivités s'accordent sur la pertinence et la nécessité d'un SERM à Toulouse.
Pour ce qui est du coût de la ligne C, je suis d'accord, il ne faut pas croire que cela n'a pas provoqué de remous. Et plus de 3 Md€ pour une seule ligne, quant bien même elle fera 27km, je vous laisse imaginer ce que cela aurait donné à Lyon en terme de réduction de voilure sur le réseau s'il avait fallu engager un budget pareil. Mais contrairement au métro E de Lyon et ses 2,5 Md€ pour 60k voy./j, on vise ici les 200k voy./j
dans un premier temps. Plus pertinent au regard de la fréquentation, déjà.
800M€ pour TEOL ça parait dans les clous en comparaison.
Mais comme à Lyon, il faut une entente entre la métropole Toulousaine et la Région Occitanie.
L'entente sera effectivement à trouver, mais c'est une entente globale qu'il faut viser. Et à ce titre, la ligne C est -en matière de jeu d'acteurs politiques - intéressante.
La difficulté réside dans le partage des responsabilités entre la Métropole et la Région avec un fonctionnement défaillant pour des questions de posture politique si ce n'est politicienne.
J'aime parfois prendre ce duo Région/Métropole pour montrer, un peu à contre-pied du cas lyonnais, qu'un travail collectif entre Région et Métropole peut donner un bon résultat.
Pour ce qui est du financement de la ligne C, le tour de table financier a été bouclé avec la participation des collectivités locales telles que le département de la Haute-Garonne ou la Région Occitanie. Cette dernière a probablement eu le plus d'impact car cela s'est fait à une condition : la desserte des gares de la métropole afin d'assurer un rabattement des usagers des TER vers le réseau local et assurer l'attractivité du réseau de transport régional. C'est pour cela que les deux terminus de la ligne (
Colomiers Gare et
Labège Gare) ainsi que les stations
La Vache au nord,
Montaudran Gare au sud et
Matabiau Gares (aujourd'hui
Marengo SNCF) seront connectées au RFN. Un des objectifs n'est pas tant l'intermodalité voiture/TCU que train/TCU.
A titre personnel, je compare parfois la ligne C de Toulouse au

métro D de Lyon, que ce soit en terme de connexion aux terminus, en terme de tracé, identité visuelle, symbolique vis-à-vis des autres lignes existantes...
Concernant le prolongement de la B
[...]beaucoup de questions qui sont mises sous le tapis, dont la pertinence réelle de la section sud de la ligne, sachant le prolongement de la ligne B et le développement de la desserte ferroviaire
En fait, le-dit prolongement de la ligne B est particulier :
Premièrement, la ligne B accueille déjà un flux extrêmement important de voyageurs en raison de sa desserte du campus de l'Université Paul Sabatier (sciences, écoles d'ingénieurs, fac de médecine) et de zones d'activités importantes notamment le CNES.
Deuxièmement, elle circule comme tu le dis en VAL, ce qui a tendance en effet à obérer la capacité par rame, malgré une fréquence très élevée de l'ordre des 70/75" en HP.
Troisièmement, ce prolongement est particulier car ce ne seront pas l'ensemble des rames qui verront leur parcours prolongé. En effet, le prolongement est réalisé en voie double pour franchir le canal du Midi en souterrain, mais se poursuivra en voie unique sur les deux nouvelles stations... Ce choix - hautement critiquable certes - peut sans doute s'expliquer par le jeu institutionnel et les capacités de financement des partenaires
et le sac de nœud qui en découle : ce prolongement est situé non pas sur le territoire de Toulouse Métropole mais sur celui du Sicoval, communauté d'agglomération voisine. Or celle-ci possède des moyens - certes importants - moindres que sa voisine qui, par conséquent ne fait pas partie du tour de table financier.
Par conséquent, d'une part en l'état et en attendant un doublement de la voie (et donc du viaduc, le prolongement étant à 80% en surface) le prolongement de la ligne B n'a pas vocation à doubler la seule ligne C, mais d'autre part le prolongement de la ligne B permet d'assurer la liaison au campus universitaire depuis le sud de l'agglomération.
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Concernant le schéma d'étude du SERM de Toulouse
J'en profite pour glisser que le schéma d'études pour le RER à Toulouse est ridicule, avec des missions qui ne vont pas à Matabiau : terminus Labège, La Vache, Saint-Agne en déversant les voyageurs dans le métro (2 Régio2N dans un VAL, c'est amusant). Pire, les rames auront une sous-productivité délirante avec des trajets de 15 à 20 minutes maximum entre 2 terminus. Sachant qu'un retournement, c'est au moins 7 minutes, les rames passeront autant de temps à rouler qu'au terminus, ce qui coûtera "un pognon de dingue" comme dirait l'autre.
En effet, au premier abord il est difficilement compréhensible que les missions ne se prolongent pas toutes jusqu'à la gare centrale Matabiau.
Mais l'explication est qu'il rejoint en fait la logique du tracé de la ligne C et la connexion de celle-ci aux 5 gares du territoire pré-citées.
Cela se justifie pour plusieurs raisons.
Premièrement, la plus importante pour les dessertes venant du sud de l'étoile ferroviaire toulousaine : la tranchée dans laquelle passent les 4 voies ferrées et que l'on peut comparer au plan de voies au sud de Lyon Part-Dieu est tout simplement
impossible à élargir, en plus d'être
quasi-saturée en HP car accueillant les circulation des trains en provenance de l'ensemble des linéaires des Pyrénées et de la Méditerranée.
Deuxièmement, la gare actuelle de Matabiau est desservie actuellement par la ligne A et bientôt par la ligne C (d'ailleurs sacré changement pour l'ensemble des voyageurs d'ici peu dans ce coin). Se pose donc la question de la capacité de la ligne A à absorber ce flux supplémentaire (on ose partir du postulat que la ligne C aura été dimensionnée en conséquence). Réponse : en attendant de nouvelles rames censées arriver bientôt, elle est actuellement à capacité maximale avec des UM2 de VAL toutes les 110" en HP et
ne peut pas absorber un tel trafic supplémentaire en un seul point.
Troisièmement, la gare de Matabiau est saturée en HP. Il n'est pas rare que les trains fassent l'objet d'une régulation en entrée de gare le temps qu'une voie se libère. Le schéma d'exploitation de cette gare avec des voies sanctuarisées selon la destination est sans doute à revoir, mais je laisse G&C s'arracher les cheveux dessus.
-> La vision est donc celle-ci : pourquoi chercher à envoyer à tout prix tous les trains au même endroit si on peut éviter la congestion et les travaux d'adaptation lourds et coûteux en diffusant les voyageurs sur le réseau urbain lourd en amont là où le foncier pour des terminus partiels sont moins chers et encore disponibles ? Voyageurs qui, selon les enquêtes OD, ne cherchent pas à se rendre à Matabiau en premier lieu ?
Concernant la gare
St-Agne et la capacité réduite d'un VAL, là-dessus comme dit précédemment je ne vais pas te contredire, ça promet d'être très drôle.

Mais pour le coup on peut voir le verre à moitié plein et considérer que d'une part la fréquence élevée (rappel : 70/75" en HP) permet de réaliser, sinon des miracles, du moins des performances surprenantes (210k voy./j soit à peine moins que le

de Lyon...). Et d'autre part, contrairement à sa grande sœur la ligne A, la B n'a pas encore fait l'objet d'un doublement de sa capacité et possède donc une capacité résiduelle importante (études par ailleurs engagées sur ce sujet).
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En conclusion de cet énorme pavé
désolé, chaque agglomération est différente et les visions politiques des décideurs en matière de transport jouent à plein, certes, mais une fois n'est pas coutume la solution universelle en matière de schéma de transport n'existe pas.
Le cas de Toulouse pour montrer qu'on peut faire plusieurs projets de métro en même temps est pertinent. Il faut néanmoins garder à l'esprit que ce type de développement consiste en des créations et prolongements de lignes lourdes suivis d'
attentes de près de 10 à 15 ans en moyenne car les capacités d'investissement et de développement sont quasi pulvérisées. Et à titre personnel, je préfère un réseau comme Lyon où l'on a
une nouveauté sur le réseau lourd tous les 3 ans, plutôt qu'une poignée d'infras lourdes accompagnées de bus qu'on met parce qu'on a plus les moyens de se payer davantage pendant une à deux décennies.
Également, les SERM n'en sont qu'à leurs balbutiements mais là encore, les spécificités locales joueront à plein et la diamétralisation aisée sur le papier et en place à Lyon pour certaines dessertes, est parfois plus dure à mettre en place.
Encore désolé si ce post entier est considéré comme du HS...
